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samedi 23 novembre 2013

Hey, Monsieur, je vous demande une petite réforme fiscale !!!!

Jean-Marc Ayrault a relancé l’idée d’une réforme fiscale à l’horizon 2015 avec en particulier une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu qui constituait la 14èmeproposition du candidat François Hollande à l’élection présidentielle. Cette proposition s’inscrivait dans le prolongement des travaux de Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez qui avaient débouché sur un livre sur la réforme fiscale. Depuis dix-huit mois, l’idée de fusion de l’IR et de la CSF avait été enterrée tant en raison de la crise qui réduit les marges de manœuvre que par le caractère explosif du dossier. Dans le passé, certains membres de l’UMP dont Jean-François Cope s’était prononcé en faveur d’une fusion IR et CSG.

Pourquoi une réforme fiscale ?

Le système fiscal français se caractérise par :
  • Un niveau de prélèvements élevé, le plus important de l’OCDE avec 46 % du PIB
  • Un grand nombre d’impôts, plus de 266 relevés dans le rapport économique et financier du PLF 2014
  • Une complexité croissante du fait des ajustements incessants et donc une instabilité chronique
  • Des coûts de gestion élevés
  • Des rendements faibles du fait d’assiettes étroites (IR et IS)
  • De taux élevés du fait d’une forte progressivité
  • Une acceptabilité en baisse avec un sentiment d’inégalité de traitement face à l’impôt
Le système fiscal français est très progressif au niveau de l’impôt sur le revenu ; seulement un ménage sur deux est assujetti à l’impôt sur le revenu. En revanche, les 1 %  des contribuables les plus aisés acquittent 37 % de l’impôt sur le revenu ; les 10 % les plus aisés en acquittent environ 70 %.
Des impôts sont plutôt dégressifs en fonction du revenu. Il s’agit de la TVA qui représente autour de 12% des revenus pour les 10% de ménages les plus modestes quand ce taux est de 4% à 5% pour les 10% les plus aisés.

La CSG est, en revanche, un impôt proportionnel avec un taux général de 7,5 % pour les revenus salariaux (auquel il faut ajouter la CRDS à 0,5 %). Il existe néanmoins des exonérations pour certaines prestations sociales exonérées et des taux spécifiques pour les retraités. Les revenus du patrimoine sont 

Une réforme fiscale peut répondre à plusieurs objectifs :
  • Accroître les recettes
  • Améliorer le fonctionnement de l’économie en étant plus neutre
  • Rendre le système de prélèvement plus juste socialement
  • Réduire les coûts de gestion des impôts
  • Rendre le système de prélèvement plus simple
 L’équité fiscale est une valeur très relative. Un impôt proportionnel peut être jugé juste, le montant du prélèvement augmente en valeur absolue en fonction du revenu. Un système progressif met en jeu la faculté contributive des contribuables. Plus il est aisé, plus il peut contribuer à la charge publique. Il est admis qu’un impôt progressif est plus juste qu’un impôt proportionnel. En revanche, il conduit souvent à une fuite devant l’impôt et à l’utilisation à des dispositifs des méthodes d’optimisation fiscale.
 Pour être neutre, un système fiscal doit interférer à minima dans le processus de décision économique. 
Or, en France, le système fiscale est tout sauf neutre ; les pouvoirs publics comptant orientés les comportements des ménages et des acteurs économiques (consommation ou investissement). Par ailleurs, plus les impôts sont importants, plus les acteurs économiques vont essayer d’y échapper en fraudant ou en optimisant leur situation fiscale, voire en réduisant leur capacité de production.

Les contraintes politiques, économiques et sociales qui pèsent sur la réforme fiscale

Les marges de manœuvre du Gouvernement sont très faibles voire inexistantes. Compte tenu du niveau des prélèvements obligatoires, toute hausse est impossible or le financement des déficits l’exigerait pourtant.

La faible croissance avec la stagnation des revenus réduit également les possibilités en rendant tout relèvement très sensibles. Or, toute réforme fiscale a pour conséquences de générer des gagnants qui se taisent et des perdants qui hurlent. Pour atténuer les effets de la réforme, il faut la lisser dans le temps.

Le calendrier politique français ne favorise pas l’engagement d’une réforme de grande ampleur. En effet, l’année 2014 est marquée par deux rendez-vous politiques : les élections municipales et les élections européennes ; en 2015, ce seront les élections régionales et départementales. 2016 sera consacrée à la préparation de l’élection présidentielle de 2017… Une réforme fiscale nécessite du temps et un minimum de consensus politique ce qui manquent au pouvoir en place.

La fusion éventuelle de l’IR avec la CSG suppose une approbation minimale des partenaires sociaux et en particulier du patronat qui devra gérer un prélèvement supplémentaire avec des impacts possibles sur les relations, salariés / employeurs.

Les pistes de réformes possibles

La CSG devrait rapporter 91 milliards d’euros contre 75 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu. D’un côté, le taux maximal de la CSG est de 8,2 % (pour les revenus du patrimoine) quand le taux marginal de l’IR atteint 45 %. La CSG bénéficie d’une large assiette lui garantissant un fort rendement.
La fusion de la CSG et de l’IR aurait comme conséquences :
  • Le prélèvement à la source avec un transfert de charges supplémentaires sur les entreprises
  • Le règlement du problème de décalage d’un an actuellement en place pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu (possibilité de gestion en glissement pour la mise en œuvre du nouveau prélèvement)
  • La refonte du système de quotient conjugal et familial
  • La remise à plat des niches fiscales
  • La réduction des effectifs à la direction des impôts avec des possibles redéploiements (vers la lutte contre la fraude fiscale) ou des réductions d’effectif
Il est à noter que les services de Bercy disposent avec la télétransmission des données bancaires et des salaires, de données permettant d’établir plus facilement qu’auparavant le prélèvement à la source.

Le Gouvernement pourrait profiter de cette réforme pour transférer certaines cotisations sociales sur la CSG (allocations familiales en particulier). Cette mesure pourrait atténuer le coût du travail mais pénaliserait les retraités et les épargnants…

La fusion rendrait de facto la CSG déductible de l’impôt sur le revenu ou du moins la question ne se poserait plus.

Par ailleurs, il serait possible d’instituer une dose de progressivité pour les revenus les plus modestes.
La question de l’harmonisation de la CSG des retraités pourrait être traitée de manière implicite tout comme la suppression de l’abattement de 10 % des frais professionnels dont ils bénéficient.

Comme en Allemagne, une déclaration des revenus pourrait être maintenue afin de tenir compte de certaines charges (enfants, emplois à domiciles par exemple). Le Ministère de l’Economie pourrait réduire les retenues sur les revenus sur les derniers mois voire verser un crédit d’impôt. En outre, certains revenus non communiqués de manière automatique devraient faire l’objet d’une déclaration spécifique (revenus fonciers par exemple).

Le risque de la fusion est que le mauvais impôt chasse le bon que le système de l’impôt sur le revenu à assiette étroite colonise le système proportionnel avec une large assiette de la CSG. Il y a donc un risque de grignotage de la CSG avec donc des pertes en ligne.

Une fusion modifierait la répartition des charges entre les contribuables. Les classes moyennes pourraient être pénalisées en cas d’instauration d’une CSG progressive qui réduirait le montant du prélèvement sur les Français à revenus modestes. Certes, le système actuel pénalise les salariés à faibles revenus qui supportent un taux de prélèvement élevé par rapport à ceux qui bénéficient d’allocations sociales. Il n’en demeure pas moins que selon les travaux de Thomas Piketty, le taux d’imposition, tous impôts pris en compte, est le plus élevé entre 4 000 et 9 000 euros pour diminuer pour le 1 % des Français les plus aisés du fait d’un recours plus important à des mécanismes d’optimisation fiscale.

Les autres chantiers fiscaux que le Gouvernement pourrait lancer

Impôt sur les sociétés

Elargissement  de l’assiette de l’impôt sur les sociétés en abaissant ses taux afin de le rendre plus euro-compatible

Impôts locaux

Modernisation des impôts locaux avec révision générale des valeurs locatives (passage aux valeurs vénales) et fin des compensations par l’Etat qui est de fait le premier contribuable local ; instauration d’une péréquation fiscale afin de réduire les distorsions entre collectivités locales

Cotisations sociales

Mise en œuvre de cotisations progressives avec franchise sur les 500 ou 1000 premiers en contrepartie de la suppression des exonérations sur les bas salaires qui génèrent des effets de seuils

Fiscalité du patrimoine

L’ISF, l’imposition des plus-values ainsi que les prélèvements sur l’épargne (rentes à titre onéreux et gratuits) pourraient faire l’objet d’une simplification.

Conclusion

L’engagement ad’un grand débat fiscal par le Premier Ministre vise sans nul doute de clore une mauvaise séquence fiscale après l’affaire des prélèvements sociaux et celle de l’éco-taxe. Il veut reprendre en main l’agenda économique et fiscal en imposant les sujets de discussion. Mais, les concertations avec les partenaires sociaux, du fait de l’absence de consensus risquent de tourner court obligeant le Gouvernement soit de prendre ses responsabilités, soit d’enterrer le dossier. Un éventuel changement de Premier Ministre en 2014 permettrait de mettre un terme à ce débat qui est, à l’heure actuelle plus un ballon d’essai qu’une tentative de refondre le système fiscal.

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