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vendredi 14 juin 2013

Rapport Moreau sur l'avenir des retraites : réaction du Cercle des Epargnants

Depuis vingt ans, le système de retraite français doit faire face à un double défi, le ralentissement de la croissance française et le vieillissement de la population (papy-boom en tant que réplique du baby-boom et allongement de l’espérance de vie). Les pouvoirs publics ont privilégié les ajustements paramétriques et ont renoncé à engager une réforme structurelle. Les propositions de la Commission Moreau sont audacieuses au regard de l’histoire des réformes des retraites mais il n’en demeure pas moins qu’elles manquent de perspectives. Elles répondent à un impératif de court terme et oublient souvent leur impact économique. Ce rapport comporte deux oublis, les régimes spéciaux et la capitalisation.

1. La double problématique des retraites

Un problème de financement conjoncturel

Avec la crise, depuis 2009, les ressources des régimes vieillesse progressent moins rapidement que les dépenses d’où l’augmentation du déficit qui devrait être de 20 milliards d’euros en 2020.

Un problème plus structurel lié au vieillissement de la population

La population de plus de 60 ans qui représente près du quart de la population française en représentera le tiers en 2050. Le nombre de retraités qui est de 15 millions en 2012 devrait atteindre 20 millions en 2030 et 25 millions en 2050. Depuis 1950, l’espérance de vie à la retraite est passée de 17 à 25 ans.
Le vieillissement de la population ne concerne pas que la France ou l’Europe ; il s’agit d’un phénomène mondial qui modifie en profondeur l’organisation sociale et économique de tous les pays. Cette situation est sans précédent. La croissance contemporaine a toujours reposé sur une croissance de la population active. Il convient de s’interroger sur les moyens de retrouver de la croissance dans un environnement démographique nouveau.

Un vieillissement de la population est, en effet, porteur d’une croissance potentielle plus faible avec des gains de productivité réduits. Le vieillissement modifiera la structure de production et de consommation. Les emplois de service à la personne à faibles gains de productivité doivent logiquement se développer.
Les transferts de charges au profit des retraités ne peuvent que s’accroître du fait des dépenses de vieillesse qui progressent sur un rythme de 4 à 6 %, des dépenses de dépendance qui devraient doubler d’ici 2030 et des dépenses de santé liées à l’âge. D’ici 2030, les dépenses publiques liées aux retraités devraient atteindre 30 % du PIB. Du fait de la bonne tenue de la natalité, les dépenses en faveur de la formation des jeunes est plus forte que chez ses partenaires. Il en résulte un accroissement des charges publiques. Le taux de dépendance (ratio des jeunes de moins de 15 ans et des retraités sur population active) est de 55,5 % en France pour une moyenne au sein de l’Union européenne de 50 %). Le ratio « actifs sur retraités » qui était de 4 en 1960 est de 1,44 en 2010.

Les solutions doivent être en phase avec la double nature du problème du financement des retraites.

2. Les réponses circonstanciées du rapport Moreau

Le rapport Moreau entend résoudre essentiellement la question du financement à moyen terme avec comme risque, d’ici à deux ou trois ans, qu’il faille se remettre à l’ouvrage. L’exigence du court terme a pour conséquence le recours à une technique pointilliste risquant de générer de nombreux mécontentements.

Passage de la durée de cotisation de 41,5 ans à 44 ans

L’effet de cette mesure est plus dilutif que celle du report de l’âge de départ à la retraite. Elle favorise les générations actuelles au détriment des futures. La durée des études est plus importante pour les générations les plus récentes. En revanche, en jouant sur le paramètre de la durée de cotisation, la commission Moreau entend ne pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt.

Modification du calcul de la pension des retraites par sous-indexation des salaires portés au compte

La sous-indexation des salaires de référence pour le calcul des pension est une mesure qui à terme pourrait avoir un fort impact sur le taux de remplacement (rapport pension /derniers revenus d’activité). L’indexation par rapport à l’inflation en lieu et place de l’indexation par rapport aux salaires et le passage aux 25 meilleures années ont, en 1993, provoqué une baisse du taux de remplacement d’environ 10 points entre les générations 1956 et 1986.
Le rapport prévoit de lier les règles d’indexation des salaires portés au compte en fonction du PIB. Cette mesure s’inspire en parti du régime suédois. Elle peut avoir des effets importants si la stagnation se prolonge.

Les retraités mis à contribution

Les retraités devraient apporter leur dîme à la restauration des équilibres. Les niches fiscales et sociales des retraités représentent 14 milliards d’euros selon la Cour des comptes. Le rapport préconise l’alignement partiel de la CSG pour les retraités qui passerait pour ceux assujettis à l’impôt sur le revenu de 6,6 à 7,5 %. Cette mesure d’équité aura un impact négatif sur la consommation.
Une réflexion sur les avantages familiaux avec leur redistribution pourrait aboutir à des économies. La désindexation partielle des pensions aurait également un impact non négligeable.
Ces mesures devraient conduire les retraités à puiser davantage dans leur épargne. En France, les retraités restent des épargnants nets jusqu’à 75 ans (après l’épargne diminue du fait des dépenses de santé et de l’organisation des successions).

Augmentation des cotisations de 0,1 point pendant 4 ans

Cette mesure risque de fragiliser le tissu économique ; le taux de marge des entreprises est à son niveau le plus bas depuis trente ans. Il est rappelé que les cotisations ont augmenté de 0,2 % pour le retour partiel de l’âge légal à 60 ans.

La question du rapprochement des systèmes de retraite publics et privés

L’harmonisation des régimes n’est pas une question financière mais une obligation éthique afin de supprimer une source inutile de rancœurs. L’élargissement de la période de référence pour le calcul des pensions des fonctionnaires constitue une demi-mesure. En effet, il est impossible de comparer en état les différents systèmes de retraite. Les salariés bénéficient d’un régime de base et de régimes complémentaires quand les fonctionnaires ne reçoivent qu’une seule pension (le régime additionnelle de la fonction publique créée en 2003 monte en puissance).

3. Des idées originales

La création d’un compte individuel « pénibilité »

Le rapport Moreau prévoit la création d’un compte « pénibilité » qui permettrait aux salariés exposés à des tâches pénibles de convertir les points ou droits obtenus en stages de formation professionnelle, en périodes de temps de travail partiel ou en trimestres cotisés pour permettre de partir plus tôt.
Cette proposition traduit l’échec de la réforme de 2010 qui liait pénibilité à invalidité. Moins de 100 000 personnes ont bénéficié du dispositif existant. La question des critères de pénibilité reste, en revanche, ouverte.

Le pilotage financier

Le rapport Moreau préconise un pilotage financier qui compléterait le pilotage démographique mis en œuvre en 2003 avec la loi Fillon. Ce pilotage financier pourrait concerner les règles d’indexation des salaires mis au compte. La commission propose qu’il ne soit pas automatique comme c’est le cas aujourd’hui pour la fixation de la durée de cotisation.

4. Les grands oublis

La capitalisation une fois de plus négligée

85 % des revenus des retraités français sont issus des régimes par répartition. Seulement 3 % proviennent de l’épargne retraite, le solde étant assuré par les revenus du patrimoine. Chez nos partenaires de l’OCDE, la capitalisation fournit 20 à 30 % des revenus.

Le taux d’épargne des Français figure parmi les plus élevés de l’Union européenne. En revanche, cette épargne est essentiellement investie à court terme et en produits de taux (titres publics). De ce fait, les entreprises françaises sont très dépendantes du financement bancaire.
La capitalisation doit s’inscrire dans une réflexion sur le financement de l’économie et dans celle du développement de l’épargne longue. Afin d’améliorer les fonds propres et favoriser l’investissement, il serait intéressant d’orienter l’épargne des Français vers les produits d’épargne retraite.
Le rapport aurait dû aborder la question de la généralisation de l’épargne retraite et celle de l’articulation avec les régimes par répartition.

Les régimes spéciaux, régimes sensibles

La France compte une quinzaine de régimes spéciaux concernant 1,6 million de personnes. Ces régimes qui différent du régime général par le mode de calcul des pensions et les âges de liquidation des droits ont été réformés en 2008 avec un début d’alignement des durées de cotisation. Le report de l’âge légal de départ à la retraite décidé dans le cadre de la réforme de 2010 ne s’applique que cas par cas et selon des calendriers spécifiques. La Commission Moreau semble avoir éludé la question d’une harmonisation afin d’éviter la multiplication des zones de fronts. Le précédent de 1995 avec plan Juppé hante toujours la vie politique.


Compte tenu des nombreuses propositions qui pourraient redessiner assez fortement le système de retraite français, l’engagement d’une réforme structurelle et d’un rapprochement sur vingt ou trente ans comme cela a été pratiqué en Italie aurait pu être envisagé.
Néanmoins, en osant toucher à la question des salaires mis au compte et servant au calcul des pensions, la Commission modifie assez profondément le régime de retraie français. Le régime de base qui était jusqu’à maintenant un régime à prestations définies, (la pension était fonction des salaires obtenus) passe de manière implicite à un système à cotisations définies (la pension ne peut être calculée qu’au moment de la liquidation). Sans faire de réforme systémique, il y a néanmoins un rapprochement des deux types de régimes.

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