Jean-Pierre Gaillard est intervenu aux 21èmes rencontres parlementaires de l'épargne qui se sont tenues à Paris le 27 mars. Il a défendu la nécessité de développer les supports actions et le fait qu'il ne fallait pas modifier en permanence les règles de l'assurance-vie.
Claude Tendil, pdg de Generali France s'est également exprimé en soulignant tout à la fois le rôle économique de l'assurance-vie et les conséquences néfastes pour l'économie française d'une application trop stricte de Solvency II.
Les éléments de langage de l'intervention de Jean-Pierre Gaillard
Déficit récurrent de pédagogie en faveur de l’épargne longue et des actions : l’organisation de des rencontres parlementaires est une nécessité au regard des prises de positions des candidats sur ce sujet
Il y a une urgence : le financement de l’économie qui se fera plus par l’épargne que par les banques dans les prochaines années.
Une règle en économie : il faut assigner un seul objectif à chaque instrument. Or pour l’épargne, les pouvoirs publics poursuivent de nombreux objectifs et en atteignent aucun : incitation à l’épargne courte, longue, à la consommation….
La conséquence c’est une instabilité permanente de la législation. Comment engager son épargne pour des années alors que l’on ne sait pas ce que nous paierons comme impôt d’une année sur l’autre ?
Sur le sujet de l’épargne longue, le Cercle des Epargnants réalise chaque année, depuis 10 ans une enquête avec l’appui de Jérôme Jaffré sur les Français, l’épargne et la retraite.
Plusieurs constantes :
Les Français sont attachés à l’épargne afin de rester indépendants face aux aléas de la vie.
Les Français ont une aversion culturelle aux risques et la dernière étude de 2012 le souligne.
Les Français souhaitent le maintien des investissements fiscaux en faveur de l’épargne longue quand ils sont prêts à remettre en cause les niches fiscales en faveur de l’immobilier ou les DOM.
53% des Français déclarent épargner en vue de leur retraite avec comme support de prédilection, l’assurance-vie. , Ils sont 90% à souhaiter le maintien des avantages fiscaux en faveur de l’assurance vie.
Certes, le sondage souligne également que les Français ont peu d’appétence pour les unités de compte et les actions. Les derniers chiffres de l’assurance-vie démontrent un recul des unités de compte. Pourtant sur longue période, ils ont tort…
L’aversion au risque s’est traduit par la croissance du livret A et de l’immobilier au détriment du placement actions qui reste à très long terme le plus rémunérateur.
Un placement à ne pas négliger car l’économie réelle à vraiment besoin de trouver les capitaux pour assurer son développement : les obligations, emprunts réalisés par les entreprises ou les municipalités dont la rémunération est souvent élevée avec des risques, bien calculés, fréquemment limités
Mais à l’heure actuelle les actions représentent la classe d’actifs la meilleure marché.
L’immobilier est à un prix très élevé, l’or et les matières premières également alors que les actions pénalisées par les conséquences du chapelet de crises que nous avons traversé et que nous continuons à traverser sont actuellement littéralement bradées.
Le PER, rapport cours bénéfice est à 11 fois (c’est à dire qu’il faut 11 années de bénéfices pour acheter une entreprise) alors qu’en temps normal ce rapport cours/bénéfice se situe à 13 ou 14 fois les bénéfices. La situation économique mondiale reste pleine d’inconnues, néanmoins et notamment en Europe il y a eu de belles éclaircies et la croissance mondiale, je dis bien mondiale, reste très honorable puisqu’elle est encore légèrement supérieure à 3%. La croissance reste extrêmement molle en Europe, cela n’a malheureusement pas changé, mais la situation s’est bien améliorée aux Etats-Unis. Si elle ralenti légèrement en Chine c’est encore à cause surtout de l’Europe qui reste le premier client de la Chine.
A mon avis le placement actions est donc redevenu très attrayant et à 3 ou 5 ans il peut comporter d’excellentes opportunités pour les épargnants tout en étant très utile à l’économie en aidant les investissements des entreprises. Il est tout de même désolant qu’à défaut d’avoir des épargnants français investis en actions ce soient les actionnaires étrangers qui prennent le contrôle des entreprises françaises. Plus de 45 % de la capitalisation des entreprises du CAC 40 appartiennent à des non-résidents.
Enfin, il faut rappeler qu’un placement retraite accompagne l’épargnant sur plusieurs décennies et sur une telle durée, le placement actions reste le meilleur. Il y a donc un réel travail à mener pour mieux orienter l’épargne vers des placements productifs et conformes aux attentes des Français. De plus financer des besoins longs (investissement, dette publique, retraite…) par de l’épargne courte est coûteux et génère par définition de la perte de rendement pour tous les acteurs.
Intervention de Claude Tendil
L’assurance vie est le seul outil d’épargne de long terme en France et un outil populaire, contrairement à certaines idées reçues.
Il faut préserver la stabilité du cadre juridique et fiscal de l’assurance vie pour les Français qui ne comprendraient pas le changement et pour l’économie et l’État qui ont besoin de sources de financement pérennes.
Solvabilité 2 : une idée qui ne résiste pas à la crise, une copie à revoir.
L’assurance vie est le seul outil d’épargne de long terme en France et un outil populaire, contrairement à certaines idées reçues
L’assurance-vie, le produit d’épargne de la retraite par excellence.
La constitution d’un complément pour la retraite est la première priorité des souscripteurs. Je rappelle que l’on constitue sa retraite durant la vie active, 30 à 40 ans, pour en profiter pendant, en moyenne, 27 ans (espérance de vie des Français à la retraite). Ce n’est pas avec de l’épargne à moins de deux ans que le financement de l’épargne retraite pourra être résolu. Seule l’assurance vie offre un cadre suffisamment sûr, sécurisant, souple et dynamique pour faire face à ces échéances.
La Cour des Comptes demande d’ailleurs la généralisation d’une couverture d’épargne retraite à tous les Français. Ce n’est pas en détricotant l’assurance-vie que cette couverture s’améliorera.
Et c’est parce qu’elle répond aux préoccupations des Français qu’elle marche ! Aux préoccupations d’une immense partie des Français !
• 17 millions de contrats (30 millions de personnes concernées souscripteurs + bénéficiaires), un taux de couverture de la population de 42 % contre 34 % en 1998 (Livret A : 95 %). Après le Livret A, l’assurance-vie est le produit d’épargne le plus répandu
• Un produit populaire : 66 % des agriculteurs ont un contrat, 55 % des cadres supérieurs, 50 % des TNS, 43 % des cadres intermédiaires, 35 % les employés, 30 % des ouvriers
• Au total, 1 370 Md€ d’encours à fin janvier 2012, un doublement ou presque en 10 ans (720 milliards d’euros en 2002)
Ne soyons donc pas masochistes au point de vouloir détruire des années de travail utiles pour les épargnants, futurs ou actuels retraités… mais aussi pour l’économie et la collectivité.
Il faut préserver la stabilité du cadre juridique et fiscal de l’assurance vie pour les Français qui ne comprendraient pas le changement et pour l’État et la l’économie qui ont besoin de sources de financement pérennes.
L’équation de l’épargne longue : une combinaison de savoir-faire et de confiance.
La confiance suppose la stabilité juridique fiscale. Or, depuis plusieurs années, l’instabilité est permanente avec à la clef des épargnants déboussolés et des surcoûts techniques sans fin. Il y a un bilan des surcoûts générés par l’instabilité législative et réglementaire à réaliser. Très certainement, un nouveau changement mettrait un terme à la conversion progressive des Français à l’épargne longue, avec des risques graves à la clé.
De fait, à quoi sert l’assurance-vie ? Au financement de l’économie et de l’Etat.
On le sait aujourd’hui, deux défis majeurs nous attendent : le financement de l’économie / l’effort en investissement productif, industriel, pour l’avenir et le vieillissement : ce n’est pas avec l’épargne liquide que cette double question sera résolue mais bien avec une épargne pérenne gérée tout au long du cycle de vie. L’assurance vie en France, elle, y apporte une réponse forte car elle est investie au service de l’économie et de l’État :
• 54 % de l’actif sert au financement de l’économie (dont 36 % en obligations d’entreprise, 16 % en actions et 2 % en immobilier)
• 33 % de l’actif sert au financement des Etats de l’OCDE
L’assurance-vie doit donc être perçue comme le poumon de l’économie.
Loin devant le PEA dont le nombre de titulaires baisse depuis 2007 environ 7 millions de PEA.
Enfin, l’assurance-vie représente un gage d’indépendance financière pour l’État.
Financer le déficit public par de l’épargne courte c’est entrer dans une spirale dangereuse avec une dépendance accrue aux taux à court terme (problème grec, portugais…) et une augmentation sans fin du service de la dette qui absorbe déjà la totalité de l’impôt sur le revenu.
On rappellera de fait que la moitié de la dette publique détenue par des résidents français l’est via les assureurs français.
Solvabilité 2 : une idée qui ne résiste pas à la crise, une copie à revoir
Solvabilité 2 : une idée bonne à l’origine qui s’avère totalement néfaste compte tenu des modèles imposés.
Améliorer la maîtrise des risques et nos capacité d’anticipation et de projection est un objectif parfaitement justifié dans un monde devenu plus incertain.
Le problème, c’est qu’à vouloir tout harmoniser, on a crée des « modèles » mathématiques qui, en plus d’être parfaitement incompréhensibles pour n’importe quel honnête homme, reposent sur des bases complètement opposées à celles du métier d’assureur :
Les actifs et les passifs en valeur de marché,
un calcul à 1 an de la solvabilité,
une probabilité de ruine de 1 sur 200 qui n’a jamais été observée.
Les conséquences ?
Dans un environnement incertain, marqué par des crises incessantes, une volatilité extrême de la solvabilité qui risque de faire prendre de mauvaises décisions, une financiarisation croissante du métier d’assureur qui n’a pourtant rien à voir avec celui de banquier, des risques systémiques, une absence de vision de long terme… Autant de périls qui sont au cœur de la crise actuelle et qu’il faut corriger si l’on veut redresser l’Europe ! Enfin, un tel régime fragilisera l’Europe dans la concurrence internationale, Solvabilité 2 n’étant évidemment pas applicable hors d’Europe.
Alors j’entends que l’on invente des mesures anti-cycliques, contra-cycliques, matching premium, dampener et autres savantes mesures d’atténuation…
Mais le fait est là : les modèles sont aujourd’hui victimes du vice de construction évoqué précédemment et rien n’y fait.
Alors j’entends aussi, « allons-y ! On attend depuis trop longtemps ! »
Mais la répétition d’une erreur ne fait pas une vérité. Allons-y sur le Pilier 2 de la réforme (maîtrise des risques, gouvernance…) et allons-y pour réfléchir sérieusement au modèle de solvabilité et donc de stabilité que nous voulons pour l’Europe ; prenons le temps de mettre en place un modèle qui reconnaisse le métier d’assureur et son rôle éminemment stabilisateur pour l’économie ! Un modèle qui ne la bride pas à court-terme et ne la fragilise pas dans la concurrence mondiale !
En synthèse, nous sommes entrés dans une époque marquée par le court terme (tendance générale renforcée par la conjoncture économique et politique) mais c’est sur le long terme qu’il faut envisager la transformation d’une économie et d’un pays. Gardons-nous, pour le court terme, de déstabiliser l’assurance, au plan économique, au plan fiscal ou au plan réglementaire. Je rappelle que l’assurance a fait, dans l’histoire, la preuve de sa solidité, y compris durant la crise, ne cassons pas ce qui marche.
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