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vendredi 29 juin 2012

La retraite à 60 ans, une mesure en demi-teinte selon Florence Legros

Florence Legros, professeur d'économie à Paris Dauphine et membre du Conseil scientfique du Cercle a publié dans l'Agefi une tribune sur le nouveau dispositif de retraite à 60 ans décidé par le Gouvernement Ayrault.

Lire l'article sur le site de l'AGEFI

"La retraite à 60 ans, une mesure en demi-teinte

L’extension du dispositif «carrières longues» présentée le 6 juin marque une rupture intéressante dans l’histoire des réformes affectant les régimes de retraite de base.

Jusqu’à présent, deux dispositifs cohabitaient selon l’âge de début de cotisation. D’abord, le dispositif général qui combine une durée minimum de validation (par exemple 165 trimestres pour une personne née en 1953, suite à la réforme de 2003 qui allonge progressivement d’un trimestre par an la durée validée minimum afin de l’aligner avec l’augmentation de l’espérance de vie) et un âge minimum légal (qui s’élève depuis 2011 à raison de 5 mois par an jusqu’à atteindre 62 ans en 2017) faisait que quelqu’un - disons un homme - qui avait commencé à travailler à 18 ans devait attendre 61 ans et deux mois (et donc valider 43 années et deux mois) pour liquider sa pension.

Il y avait également un dispositif dit « carrières longues » qui autorisait quelqu’un qui a commencé à travailler à 16 ans à partir à 60 ans dès lors qu’il avait validé la durée nécessaire. Ce dispositif concernait uniquement les personnes ayant débuté leur vie professionnelle avant 18 ans. Deux points sont ici à préciser: d’une part, certaines périodes validées et non cotisées étaient prises en compte; c’était le cas du service militaire ou de congés liés à la maladie ou à la maternité, et ce dans la limite de 4 trimestres maximum (52 semaines). D’autre part, les personnes qui décidaient d’utiliser le dispositif, c'est à dire de partir à 60 ans, ne bénéficiaient pas de la surcote à laquelle ont droit les gens qui prolongent leur activité au-delà de l’âge légal.

En résumant et en négligeant temporairement la différence entre durée cotisée et durée validée, le dispositif « carrières longues » permet de raisonner sur la durée validée, tout comme le dispositif standard dès lors qu’on a commencé à travailler après 20 ans et qu’on est né après 1956 (cohorte qui devra avoir validé 42 ans).

Le dispositif qui va être mis en place pour les personnes qui ont commencé à cotiser entre 18 et 20 ans vient donc assurer la continuité du système. Ces personnes pourront donc partir à 60 ans dès lors qu’elles auront cotisé le nombre d’annuités nécessaires depuis la réforme de 2003, par exemple 41 ans et 1 trimestre pour la génération 1953, 42 ans pour la génération 1956. Un homme né en 1953 qui aura débuté sa carrière à 18 ans et aura cotisé 41 ans et 1 trimestre pourra donc partir en retraite à 60 ans soit un an et deux mois avant l’âge antérieurement requis.

D’une certaine manière, on a le sentiment d’une simplification en concentrant le critère sur la durée d’activité et non sur le double critère de la durée et de l’âge. Cela dit, une des subtilités du nouveau dispositif afin de limiter son coût tient à la distinction entre durée cotisée et durée validée. Si l’on regarde le sort réservé aux mères de famille, comme dans le dispositif antérieur de « carrières longues », le nouveau dispositif propose toujours d’inclure 4 trimestres au titre de la maternité et ajoute 2 trimestres supplémentaires au titre de l’ensemble des maternités, ce qui fait un maximum de 6 trimestres ou 78 semaines. Ce qui signifie qu’une mère de famille nombreuse ayant cumulé de nombreux congés de maternité n’en bénéficie que partiellement.

En outre, les personnes usant de ce dispositif ne pourront toujours pas bénéficier de la surcote avant 62 ans. Bref, celles-ci ne sont pas incitées à poursuivre leur activité quand bien même elles seraient motivées.

Ajoutons enfin que le dispositif, s’il a un coût pour les finances publiques et pour les régimes complémentaires qui a été largement commenté, va impliquer un manque à gagner pour les personnes qui prendront leur retraite de manière anticipée; d’une part parce qu’ ils se privent, en cas de carrière ascendante, de deux années « hautes » qui comptaient dans la moyenne des 25 meilleures années, d’autre part parce qu’ils font l’impasse sur quelques trimestres de régime par points Agirc ou Arrco. Certaines simulations font état d’une perte de 5% à 10% de retraite globale.

En rompant avec la logique de l’âge, le dispositif met en avant la durée d’activité. Le dispositif ouvre indéniablement la voie à une discussion sur une refonte du système appelée par certains syndicats à l’occasion d’un rendez-vous en 2013. Néanmoins, cette refonte systémique est souhaitée dans le sens d’une plus grande contributivité, afin d’inciter à la prolongation de l’activité. Très clairement, le décret sur l’extension du dispositif « carrières longue », s’il va dans le bon sens en saluant les durées d’activité élevées, ne participe pas à motiver de longues carrières."

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