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vendredi 20 juin 2008

L'emploi des seniors par Jacques Barthélémy

L’emploi des seniors
Jacques Barthélémy
N°19

Membre du Conseil scientifique, Jacques Barthélémy est avocat
conseil en droit social. Il est le fondateur du cabinet Jacques Barthélémy
& Associés, un des plus importants de la place en matière de droit
du travail et de la protection sociale. Il a été, par ailleurs, professeur associé à la faculté de droit de Montpellier et membre du Conseil Économique et Social. Il est auteur de deux ouvrages de référence, « Le droit et la durée du travail » et « Le droit social, technique d’organisation de l’entreprise ». Il est également
l’auteur de nombreux articles publiés dans des revues spécialisées. A travers cette
étude, Jacques Barthélémy analyse les moyens pour conduire une politique en faveur
de l’emploi des seniors en examinant les outils juridiques et les actions de formation à mettre en oeuvre.


Le défi de l’emploi des seniors



Quelle que soit la qualité des produits d’épargne proposés en vue d’alimenter des compléments de ressources aux pensions de retraite émanant des régimes légaux et conventionnels obligatoires, le niveau des revenus de substitution aux rémunérations
nées de l’activité professionnelle sera de plus en plus insuffisant, ne serait-ce qu’en raison des effets, négatifs à ce niveau mais dont il faut se réjouir par ailleurs, de l’augmentation de l’espérance de vie. Même si la pyramide des âges, donc le rapport « actifs - retraités », s’améliore, cela n’aura pas d’effets significatifs sur la santé des régimes de retraite fonctionnant en répartition, au moins dans les années à venir. Et au demeurant, l’amélioration suffisante du rapport « cotisants - retraités » suppose non seulement une augmentation significative des actifs mais encore le maintien pendant un certain temps du taux de l’augmentation, ce qui ne fait que repousser les échéances. Voilà pourquoi est importante la stratégie à conduire pour remettre (maintenir à tout le moins) les seniors au travail. Cela a deux effets convergents bénéfiques : d’une part de créer un volume de cotisations plus élevé, d’autant plus efficace s’agissant de l’optimisation des régimes que des prestations correspondant aux périodes de cessation d’activité pour préretraites sont allouées et alimentées par la solidarité (pour la sécurité sociale directement, indirectement
pour les régimes complémentaires). En d’autres termes, la masse des cotisations versées par les seniors constitue une « recette » brute pour les régimes ; d’autre part de repousser de fait l’âge de départ effectif en retraite. Il y a quelque chose de surréaliste à fixer l’âge de mise à la retraite (à l’initiative de l’employeur donc) à 65 ans alors que, à la date à laquelle les travailleurs peuvent légalement bénéficier de la retraite à taux plein (qui peut être 60 ans), la moitié des intéressés a cessé toute activité et bénéficie, par l’ASSEDIC, de revenus de substitution au salaire correspondant davantage à la gestion du risque de la perte d’emploi subie qu’à celui de retraite. Si l’on prend en compte les effets négatifs sur la richesse nationale de la perte de compétences et de connaissances ainsi que la perte d’identité de l’entreprise qui voit ainsi sa mémoire disparaitre,
le coût pour la société en général des politiques conduisant à la préretraite est catastrophique. Certes, le législateur, les acteurs sociaux et la jurisprudence
sont intervenus, chacun dans leur sphère de compétence, pour améliorer la situation. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que la rupture du contrat de travail avant l’âge de 65 ans par l’employeur est un acte nul parce que consacrant une discrimination prohibée et pas seulement un licenciement sans cause sérieuse ouvrant droit à dommages et intérêts. Quant aux acteurs sociaux, ils ont créé, dans le cadre d’un ANI, des obligations aux entreprises et des avantages aux travailleurs âgés. Enfin la discrimination en fonction de l’âge est expressément prohibée par la loi qui a transposé ici une directive européenne, rendant possible une politique répressive efficace. Il convient donc de bâtir, dans chaque entreprise, une politique d’emploi des seniors qui, par souci tant d’efficacité (il ne suffit pas d’affirmer, il faut aussi mettre en oeuvre, on le voit très nettement avec l’égalité entre les sexes) que de sécurité (le droit à la santé étant une liberté fondamentale, ce paramètre doit être pris en compte), les solutions imaginées doivent reposer plus sur le libre choix que sur la contrainte et plus sur l’adaptation de l’emploi et des conditions de travail que sur le maintien dans la fonction. A cet effet, la politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences arrêtée par l’entreprise sur le fondement de la stratégie globale devrait être conditionnée largement par cet impératif d’emploi des seniors ; la connotation de gestion prévisionnelle de ces
politiques y invite fortement. Le changement de fonction à partir d’un certain
âge est un moyen à la fois de redonner du goût pour le travail et de faire face aux effets de la fatigue engendrée par l’âge ; elle est aussi un instrument destiné à réduire le risque d’accident dès lors qu’après 10 ou 15 ans sur le même poste, la vigilance se relâche, d’autant plus qu’on est certain de la qualité de ses gestes. Par ailleurs, la mise à disposition des plus jeunes du savoir et du savoir-faire permettent à l’entreprise d’une part le maintien de son patrimoine immatériel, d’autre part d’optimiser les compétences en un temps très court et à moindre coût. Le changement d’emploi, surtout s’il se traduit par l’émergence de fonctions d’experts, est bénéfique pour l’entreprise en général. Il faut donc réfléchir aux moyens permettant de mobiliser l’épargne – qu’elle soit monétarisée, en formation ou en temps – afin de répondre aux problèmes particuliers qui se posent. Ces problèmes
ne sont pas les mêmes d’une entreprise à l’autre eu égard à son activité, à la nature des emplois, à la pyramide des âges, au pourcentage respectif d’emplois masculins et féminins, etc. Si la technique financière et assurantielle est évidemment la même dans tous les cas (dégager des rentes entre un certain âge qui ne peut être inférieur à 55 ans et un autre qui ne peut être supérieur à 65 ans), la manière de mobiliser ces rentes va varier d’une situation à l’autre. On peut du reste imaginer non seulement des rentes destinées à compléter un salaire réduit lié au changement d’emploi ou à une réduction de la durée hebdomadaire ou annuelle du travail, mais aussi un capital permettant une réorientation, par exemple dans le cadre de l’essaimage ou des remboursements de frais engagés à l’occasion de formations lourdes destinées à favoriser la reconversion. Cela pose des problèmes d’ordre technique qui ne peuvent qu’inviter à la créativité les actuaires et les gestionnaires financiers. Mais cela pose aussi des problèmes d’ordre juridique liés à la qualification de
l’opération (d’assurance ? d’épargne ? autre ? laquelle ?) dont découlent d’autres problèmes d’ordre fiscal et social liés à la nature de l’avantage ainsi consenti et à sa traduction sur le terrain de l’impôt et des charges sociales. Il faut aussi imaginer les instruments permettant de conjuguer ces produits avec l’adaptation du système de garanties collectives de prévoyance en vigueur dans l’entreprise, de sorte que l’assiette en reste le salaire plein antérieur. Tout ceci pourrait faire l’objet d’u ne étude théorique suivie de la mise au point d’un arsenal méthodologique et assorti d’actes et de procédures adaptés.

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