Avec le Rendez-vous 2008 sur les retraites, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics devront adopter plusieurs mesures visant à rééquilibrer les régimes de retraite. Le rapport du Conseil d’Orientation des Retraites du mois de novembre 2007 ainsi que celui du Gouvernement du 31 décembre 2007 ont placé au cœur du débat l’allongement de la durée de cotisation, 41 à l’horizon 2012 et 41,5 ans à l’horizon 2020.
L’allongement de la durée de cotisation qui depuis 1993 et la réforme Balladur est la principale mesure d’ajustement avec la désindexation des pensions par rapport aux salaires ne saurait masquer les autres questions à résoudre : recul de l’âge légal de départ à la retraite, pouvoir d’achat des futurs retraités, travail des seniors…
Pour Xavier Bertrand, Ministre des Relations sociales et de la solidarité, « cela ne sert à rien de parler de l’âge légal de départ à la retraite ». Il a cent fois raison du moins au regard de l’opinion majoritaire des Français qui considèrent comme un droit acquis, intangible, la barrière des 60 ans. Il a cent fois raison au regard de la situation des plus de 50 ans qui sont de plus en plus exclus du marché du travail.
Ne rien faire est donc la solution qui s’impose mais cette fatalité est doublement coupable et hypocrite.
Hypocrite car les Français entrent de plus en plus tard sur le marché du travail et de ce fait ils devront travailler bien au delà de soixante ans pour obtenir une retraite à taux plein. Hypocrite car à défaut de modifier le comportement des employeurs, le montant des retraites et celui de la prise en charge par l’Etat ou l’UNEDIC sont condamnés d’augmenter.
La France est un des derniers pays à ne pas avoir modifié son âge légal de départ à la retraite au sein de l’OCDE. Les Etats-Unis, l’Islande et la Norvège ont fixé un âge de départ à 67 ans. L’Allemagne, le Royaume-Uni et le Danemark entendent le reculer à plus de 65 ans qui est l’âge moyen de départ à la retraite.
Reculer l’âge légal de départ à la retraite ne doit pas être perçu comme une mesure anti-sociale. Elle contribue à améliorer la viabilité financière des régimes de retraite et à réduire les incitations au départ à la retraite.
Par ailleurs, ce recul se justifie au nom d’une solidarité intergénérationnelle. L’allongement de la durée de vie entraîne celui de la durée de la retraite. En 1914, une personne de 65 ans avait une espérance de vie de 10 ans, aujourd’hui, cette même espérance atteint plus de 22 ans.
Si la durée de la retraite a été multipliée par deux en moins de cinquante ans, c’est aussi que nous arrêtons de plus en plus tôt de travailler. Dès 58 ans, plus de la moitié des salariés ont cessé toute activité. Seulement 37 % des salariés âgés de 55 à 65 ans travaillent ce qui représente un des taux les plus faibles de l’OCDE.
A cette réduction de la vie active par le haut s’ajoute celle liée à l’entrée de plus en plus tardive des jeunes sur le marché du travail. Ils commencent à travailler en moyenne à 22 ans alors qu’en 1936, plus de la moitié des jeunes hommes de 13 ans travaillaient. Depuis la seconde guerre mondiale, du fait de ce double mouvement, la vie active a été réduite de plus de 8 ans.
L’arrivée tardive sur le marché du travail obligera de toute façon de plus en plus de Français à travailler au-delà de la barre fatidique des 60 ans. En commençant à 24 ans, le départ à la retraite est programmé pour 64 ans et prochainement 65 voire 66 ans. Cette frontière des 60 ans est devenue un chiffon de papier que les Français vénèrent faute de pouvoir en profiter. Elle est pourtant contreproductive. Elle joue le rôle de couperet. Elle incite les entreprises à réduire le poids des salariés de plus de 50 ans et encourage les salariés à se préparer à sortir du milieu professionnel à partir de 55 ans. Son recul permettrait de lancer un message fort tant aux entreprises qu’aux salariés. Il ne s’agirait pas de obligatoirement de mettre un terme à la retraite à 60 ans mais de signifier que l’âge normal de départ à la retraite serait de 65 ans ce qui correspond à la moyenne européenne.
En passant de 60 à 65 ans, les salariés français seraient toujours gagnants en durée de vie en retraite sur le demi dernier siècle. Ce recul ne peut être acceptable que si les entreprises jouent le jeu de l’emploi des seniors. Il faut aussi que soit mis fin à la retraite guillotine. En France, la majorité des salariés prennent leur retraite dans les deux mois qui suivent leur soixantième anniversaire, le temps de peaufiner leur dossier auprès de la Caisse national d’assurance vieillesse. Les salariés français sont d’autant plus incités à partir tôt qu’ils ont peur d’un changement de la législation qui leur serait défavorable. Par ailleurs, le discours récurrent des dernières décennies a été culpabilisateur à l’encontre de ceux qui restaient. En effet, il était répété qu’il fallait laisser la place aux jeunes. Or, cette antienne s’est révélée fausse ; elle a surtout privé l’économie française de l’expérience et des compétences de nombreuses classes d’âge de salariés. Un rapide benchmark démontre que ce sont les pays qui ont eu le moins recours aux préretraites qui ont obtenu les meilleurs résultats en matière de chômage et d’emploi des jeunes.
Il n’est donc pas surprenant que les Français souhaitent prendre au plus tôt leur retraite comme le souligne une étude de l’INSEE. 57% des 50-64 ans encore en activité veulent ainsi « prendre leur retraite le plus rapidement possible ». Par rapport à leurs collègues européens, les Français sont un peu plus pressés de prendre leur retraite : 57% d’entre eux veulent s’arrêter de travailler contre une moyenne de 46 % observée dans les 11 pays européens où l’enquête a été menée en 2004. Dans l’ensemble, « la proportion de personnes exprimant ce souhait est croissante du nord au sud », de 30 % aux Pays-Bas à 67 % en Espagne, la Suisse faisant exception (30 %).
Quand les Français sont interrogés sur les raisons de cette soif de retraite, ils mettent en avant que « leur état de santé est plus dégradé que celle des autres". Le second argument est l’insatisfaction face au travail. Les salariés français âgés considèrent qu’ils ne sont pas assez impliqués dans la bonne marche de leur entreprise. Non pas tant qu’ils trouvent leur travail pénible physiquement ou stressant, mais plutôt qu’ils estiment moins souvent que leurs voisins recevoir « la reconnaissance qu’ils méritent », un salaire « correct » ou de « bonnes perspectives d’avancement ».
Au-delà des souhaits des salariés, depuis de longues années, les pouvoirs publics ont développé une politique de sortie anticipée du marché du travail. Malgré la volonté des derniers gouvernements, les mauvaises habitudes persistent. Les départs avant 60 ans restent importants. Fin 2006, 700 000 Français bénéficient d’une préretraite, d’une dispense de recherche d’emploi ou d’une retraite anticipée. En outre, ce chiffre ne prend pas en compte les préretraites financées par les employeurs. Néanmoins, les entrées en préretraite publique ont été divisées par trois depuis 2001 et concernent désormais 15 000 personnes par an.
Par ailleurs, il y a 460 000 chômeurs qui sont dispensés de recherche d’emploi et le flux d’entrées reste soutenu (160 000 par an).
Le dispositif de départ anticipé instauré par la loi Fillon pour les salariés ayant cotisé plus de 40 ans a rencontré un réel succès depuis 2004 avec 400 000 bénéficiaires. Le flux devrait diminuer et passer de 110 000 nouveaux cas par an à 40 000 cas d’ici 2020. Ce dispositif est en grande partie responsable du déficit du régime retraite en 2007 ; son coût étant estimé à 2,2 milliards d’euros. L’idée était généreuse mais s’est révélée nocive en faisant croire que les salariés pouvaient continuer à prendre leur retraite avant 60 ans.
Il faudra aussi inciter financièrement les salariés à rester au travail ; la surcote en France pour les salariés ayant plus de 40 ans de cotisations est de 3 % contre 6 % en Allemagne tout comme en République slovaque et au Canada. Au Royaume-Uni, le taux atteint même 10,4 %. L’Australie a de son côté instauré une prime forfaitaire.
Comment modifier le comportement des employeurs vis-à-vis des seniors ? La fameuse contribution Delalande a prouvé que le mécanisme des sanctions se retournait contre ceux qu’il était censé protéger. En taxant les licenciements après 55 ans, le législateur a freiné l’embauche des salariés de plus de 50 ans. La création d’un bonus malus risque d’avoir les mêmes effets. On pourrait certes imaginer un système dégressif de charges sociales en fonction de l’âge mais cela aurait pour inconvénient de diminuer les recettes de la Sécurité sociale. Pour favoriser le maintien en activité des salariés de plus de 55 ans, de nouvelles formes de contrats de travail pourraient être institués, contrats de missions ou de projets permettant d’embaucher des salariés expérimentés en vu de la réalisation de missions déterminées. Il faut fluidifier le marché et non créer de nouvelles contraintes. Par ailleurs, l’évolution de la démographie devrait inciter les entreprises à conserver leurs salariés plus longtemps. Déjà des pénuries sont constatées dans certains secteurs d’activité comme la banque ou l’assurance.
Il faut comme le recommandent l’OCDE et l’INSEE améliorer l’intérêt d’une poursuite d’activité. Cela passe par un changement des mentalités et par l’instauration d’un management plus respectueux des salariés de plus de 50 ans. Les entreprises ont, ces dernières années, valorisé la jeunesse. La révolte des trentenaires a conduit au rajeunissement des lignes hiérarchiques.
Le rapport Attali comporte, sur ce sujet, plusieurs propositions concernant l’emploi des seniors. Ainsi, il préconise de "permettre à chacun de retarder, s’il le désire, son départ à la retraite. La Commission pour la libération de la croissance française considère qu’une fois la durée minimale de cotisation acquise, il faut laisser à chacun le choix du moment de son départ à la retraite. Elle suggère qu’un supplément de cotisation pourra être attribué au-delà de 65 ans. Ainsi, s’il a cotisé le nombre minimum d’annuités nécessaire (nombre qui pourra être revu en fonction de l’évolution démographique), le salarié peut décider lui-même s’il souhaite bénéficier immédiatement d’une retraite à taux plein, ou s’il souhaite continuer à exercer son métier quelques années. Cela suppose que les entreprises ouvrent la possibilité d’avoir des horaires aménagés à partir d’un certain âge sur le modèle des quatre cinquièmes déjà pratiqués, voire du mi-temps. La collectivité sera alors en partie déchargée du poids du financement des retraites, à mesure que certains salariés décideront éventuellement de prolonger leur carrière.
Le rapport Attali recommande sans surprise de réduire le coût du travail des seniors en abaissant de 65 à 55 ans l’âge au-delà duquel l’entreprise et le salarié sont exonérés de la cotisation d’assurance chômage en favorisant une flexibilité accrue dans la gestion des rémunérations.
Il conseille aux pouvoirs publics d’inciter les entreprises à équilibrer les montants consacrés à la formation sur l’ensemble des tranches d’âges.
Il préconise de structurer et de renforcer les services dédiés aux 55-65 ans au sein des structures publiques de placement (type ANPE ou APEC - Association pour l’emploi des cadres), afin de faciliter la recherche d’emploi pour les seniors et de promouvoir leur valeur ajoutée.
Enfin, il souhaite que les pouvoirs publics favorisent les initiatives d’acteurs privés, d’agences d’intérim, de cabinets de recrutement ou d’associations visant à mettre en relation seniors et employeurs.
Sans entrer dans le détail, la Commission demande que des dispositifs d’aides en faveur des seniors qui créent des entreprises soient instaurés. De même, elle souhaite une meilleure insertion des plus de 55 ans dans les associations et les ONG qui peuvent bénéficier massivement de leurs compétences.
Jacques Attali souhaite également lever toutes les interdictions de cumul emploi-retraite. Pour percevoir sa pension, un assuré doit normalement cesser son activité professionnelle. Néanmoins, il existe dans certains cas des possibilités de cumuler une pension de retraite et un emploi. Pour les retraités qui relèvent du régime général ou du régime des salariés agricoles et dont les pensions ont pris effet après le 1er janvier 2004, il est possible de reprendre une activité professionnelle à condition de ne pas dépasser un plafond de revenu. Cette possibilité doit être, selon Jacques Attali étendue à tous les salariés et tout plafond de revenu supprimé. Pour les salariés à la retraite au moment de la réforme, la levée de l’interdiction doit être pure et simple. Pour ceux qui sont encore en activité, la levée de l’interdiction doit être applicable seulement si le salarié change d’entreprise, ou s’il crée sa propre activité, afin que le dispositif ne soit pas détourné de sa vocation.
Cette question de l’emploi des plus de 55 ans est capitale pour échapper à la paupérisation relative des futurs retraités.
La deuxième hypocrisie est celle du pouvoir d’achat des futurs retraités
Le débat actuel sur le pouvoir d’achat ne doit pas masquer qu’une crise majeure en la matière se profile. Sous couvert que les retraités d’aujourd’hui sont considérés comme favorisés, les pouvoirs publics sont tentés de gagner du temps en acceptant l’érosion lente des revenus des futurs retraités.
Il est couramment admis que nous vivons l’âge d’or de la retraite. En effet, arrivent à 60 ans des classes d’âge ayant connu les Trente Glorieuses, le plein emploi du moins dans leur première partie de carrière, la progression des salaires ; ces salariés partant à la retraite ont pu se constituer un patrimoine grâce notamment à l’inflation.
En prenant en compte le patrimoine, les retraités ont un niveau de vie comparable à celui des actifs (écart négatif de 2 points). Sans prendre en compte le capital, l’écart est de 15 %. Il faut souligner que 74 % des retraités sont propriétaires de leur résidence principale contre 56 % pour l’ensemble des ménages. Actuellement, la génération des 55/64 ans est celle qui dispose du pouvoir d’achat le plus élevé. De 1970 à 1990, le niveau de vie des retraités a progressé plus rapidement que celui des actifs.
Du fait de l’adoption des mécanismes de désindexation des pensions par rapport aux salaires, cette tendance s’est interrompue à partir de 1996. Il apparaît nettement que les retraités sont pénalisés en période de croissance et avantagés en période de stagnation. La pension moyenne des retraités s’élève à 1512 euros et à 1334 euros pour la pension médiane. Le minimum vieillesse concerne 610 000 personnes soit 4 % de la population âgée de plus de 60 ans.
Le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraite, publié au mois de novembre 2007, souligne que pour les salariés, le taux de remplacement net global à la liquidation diminuera en moyenne de 10 points entre les générations 1938 et 1985. En cas de reconduction de l’accord AGIRC/ARRCO, la baisse serait de 20 points. Pour les fonctionnaires, le taux de remplacement reste stable grâce à la montée en charge du régime additionnel.
Les mécanismes d’indexation mis en place dans les années quatre-vingt-dix joueront pleinement leurs effets dans les prochaines décennies. Avec des retraites de plus en plus longues, l’écart entre les salaires et les pensions ne pourra que s’accroître.
Les générations qui partiront à la retraite d’ici 2020 auront connu pour reprendre le titre du livre de Nicolas Baverez, « les trente piteuses », l’augmentation des prix de l’immobilier et la désinflation durcissant le remboursement des emprunts. De ce fait, d’ici une vingtaine d’années, les inégalités entre retraités devraient augmenter. Ceux disposant d’un patrimoine seront relativement moins exposés aux problèmes des régimes de retraite.
Il est probable que la propension à partir tôt à la retraite diminuera dans les prochaines années du fait de la dégradation du taux de remplacement. La France pratique avec délectation la politique de l’autruche, du non-dit et de la résignation. A défaut de pouvoir imposer des changements de comportements, laissons le temps agir.
Les solutions proposées par le Conseil d’Orientation des Retraites de novembre 2007
D’ici 2020, afin de garantir le financement des régimes de retraites au minimum un point de PIB supplémentaire pour le financement des retraites, le COR propose plusieurs pistes. Ainsi, une des solutions consisterait à augmenter de 2,3 points les cotisations, avec un recul de un an du départ à la retraite et une baisse du taux de remplacement de 9 %. Une autre voie serait une réduction de 20 points du ratio pension moyenne nette sur revenu moyen d’activité net. Comme autres solutions, il y a aussi le relèvement des cotisations de 4,5 points ou l’allongement de la durée de cotisation de trois ans. Le COR souligne que le transfert éventuel des cotisations UNEDIC sur le régime vieillesse est hypothétique et est soumis à l’accord des partenaires sociaux. Il n’incite pas à réaliser des efforts et à prévoir d’autres solutions. Il considère utile de travailler à la recherche de nouvelles sources de recettes. Concernant la durée de cotisation, le COR souligne que sa fixation est effectuée en prenant en compte les besoins de financement et l’allongement de l’espérance de vie.
Le système des retraites en France est une pyramide à base large et pointe très fine. A la base, il y a le régime général, assez égalitaire, la pension versée ne peut pas dépasser 50 % du plafond de la Sécurité sociale, au second étage, il y a les régimes complémentaires, essentiellement l’Agirc et l’Arrco qui tout comme le premier, obéissent à la répartition. Au troisième étage, il y a les systèmes d’entreprise (article 83 et article 39) réservés aux grandes entreprises ou à une frange réduite de la population. Cet étage a été complété par le PERCO qui est un outil d’épargne salariale destiné à la retraite ; son fonctionnement est assez égalitaire mais il demeure pour le moment assez confidentiel. Enfin le dernier étage est constitué par les produits individuels facultatifs comme le PERP.
La coopération entre les différents étages a toujours été problématique. Le régime général et les régimes complémentaires longtemps opposés ont en commun de vouloir empêcher la montée en puissance de l’épargne retraite. Les responsables de ces régimes soupçonnent le patronat et les pouvoirs publics de réduire les financements dévolus à la répartition et de favoriser à travers des mécanismes d’exonération de charges et d’impôt l’épargne retraite. Les étages du bas sont l’expression du paritarisme quand les autres reposent sur une logique plus capitalistique. Or, il y a une complémentarité entre les différents étages. Nul ne peut nier que le développement des étages supérieurs dépend des taux de remplacements offerts par le premier.
L’épargne retraite n’est pas l’ennemi de la répartition. Il peut faciliter le recyclage d’une partie de l’épargne des Français vers des placements plus productifs. Les entreprises françaises et tout particulièrement les PME souffrent d’une sous-capitalisation notoire.
Les fonds de pension n’ont pas comme vocation première d’être les béquilles du capitalisme français ; n’oublions pas que l’objectif d’un fonds de pension est de verser des rentes à ses adhérents. II n’en demeure pas moins qu’un fonds de pension peut leur faire profiter de la croissance de l’économie mondiale et leur faire accéder de manière indirecte à des placements à fort rendement comme le non-coté.
D’ici 2030, 500 000 chefs d’entreprises prendront leur retraite ce qui pose la question de leur succession et aussi de la propriété du capital. Il faut souligner que les PME françaises ont un problème de fonds propres pour atteindre la taille critique nécessaire pour se muer avec succès au sein de l’économie mondialisée. Peu de PME françaises arrivent, par croissance interne, à accéder au marché mondial du fait d’une sous-capitalisation chronique. La France compte peu de PME par rapport à ses partenaires. En France, il y a 2,4 millions d’entreprises contre 3,4 millions au Royaume-Uni. 60 % des salariés français travaillent dans une PME qui sont, par ailleurs, à l’origine des deux tiers des créations d’emplois. Ces PME sont fragiles : il y a 50 000 faillites en France chaque année contre 30 000 aux Etats-Unis dont le poids économique n’est pas comparable.
Si 52% des investisseurs institutionnels français déclarent investir ou avoir déjà investi dans le capital investissement, seuls 0,5% des actifs gérés ont été placés dans le non coté. L’investissement dans les PME dans le cadre de placements financiers représente 0,40 % du PIB en France contre 1,20 % aux Etats-Unis, 0,58 % en Suède et 0,63 % au Royaume Uni. Pour mémoire, le poids économique des investisseurs institutionnels en France représente au total plus de 1 200 milliards d’euros. En tête, les sociétés d’assurance-vie totalisent 891 milliards d’euros devant les sociétés d’assurance dommages avec 126 milliards d’euros. Viennent ensuite les caisses de retraite complémentaires (40 Mds d’euros), la gestion financière à la CDC (32 Mds d’euros), les caisses autonomes mutuelles (21 Mds d’euros), les institutions de prévoyance (19 Mds d’euros) et enfin les fonds de réserve pour les retraites (17 Mds d’euros). Il en résulte que 60 % du capital investissement dans le non-coté provient d’acteurs étrangers dont 22 % provient de fonds de pension étrangers et 18 % de compagnies d’assurance étrangères. Le non-coté offre des rendements moins sensibles aux évolutions des cours de bourse : de 18 à 20 % ces dernières années. Les fonds de private equity se développent. Ils peuvent être intégrés à des contrats d’assurance-vie ou à des PERP. Il faut sortir des plafonds ridiculement bas. Pour des produits de longs termes, on pourrait placer jusqu’à 10 % sans s’exposer à des risques trop importants.
Le rapport Attali comporte plusieurs pistes afin de mieux orienter l’épargne vers des placements les plus dynamiques. Il préconise de modifier la fiscalité de l’épargne pour favoriser le risque plus que la rente. La tradition française encourage l’épargne de court terme à rendement faible mais sûr (plan d’épargne logement, livret développement durable, livret A), ce qui attire des sommes colossales vers le financement de la dette de l’État et des entreprises au détriment des actions et des retraites. Cette allocation des ressources ne permet pas d’orienter l’épargne vers un horizon d’investissement de long terme. Il demande d’étendre les dispositifs d’épargne salariale dans les PME en abaissant le seuil rendant la participation obligatoire à 20 salariés. Les PME de moins de 50 salariés qui se doteront d’un accord de participation bénéficieront d’un taux d’impôt sur les sociétés réduit ; les dirigeants et mandataires sociaux de toutes les PME (et pas seulement celles de moins de 100 salariés) auront la possibilité de bénéficier du Plan d’épargne pour la retraite collective (Perco).
Les études d’opinion depuis de nombreuses années prouvent que les Français ne sont pas opposés à l’épanouissement d’un système mixte associant de manière harmonieuse répartition et capitalisation. Pour des raisons psychologiques et idéologiques, la décision de réellement mettre en place un système dual est repoussée comme celle liée au recul de l’âge légal de départ à la retraite. Cette politique de l’autruche pénalisera les salariés les plus modestes n’ayant pas les moyens ou n’ayant pas accès par leur entreprise à des suppléments de retraite. Il y a dans cette politique une hypocrisie. En ne faisant rien sur ces deux points, les pouvoirs publics ne mécontentent personne tout en acceptant que le pouvoir d’achat s’érode.
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